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GRH : Comment gérer les licenciements ?

Chaque entreprise a sa propre politique sociale. Sous une façade humaniste, bien des entreprises ont une approche des licenciements plutôt radicale afin de faciliter les restructurations organisationnelles. Il serait fort peu judicieux de leur part d'adopter une politique de dégraissage obscure. Elles préfèrent invoquer la raison économique et la conjoncture qui, selon l'argumentation la plus convenue, penche nécessairement vers la récession. Le progrès technologique au service des clients est aussi une justification assez courante pour se débarrasser des salariés sans une larme d'émotion.

Licenciement : quand on invoque la raison économique pour dégraisser radicalement

licenciement, cadreProfiter des phases de repli économique pour procéder à des réductions d'effectifs n'est pas particulièrement original. En la période de récession actuelle, nous sommes au cœur même de la pratique.

Quelles seront les prochaines victimes ?

  • Les mieux payés ?
  • Les moins efficaces ?
  • Les plus jeunes ?
  • Les plus vieux ?
Mettez-vous donc durant un court instant en lieu et place du décideur-équarrisseur en chef. Vous constaterez que le choix n'est pas toujours évident !

Ainsi, et vous en conviendrez aisément, il serait fort peu judicieux d'adopter une "politique" de dégraissage obscure. Elle serait irrémédiablement perçue comme arbitraire, voire comme une décimation dans le sens originel du terme.

Il est préférable d'éviter de gâcher ce qui reste de confiance dans l'entreprise et de ne pas laisser le soupçon s'installer durablement. Une fois le virus du doute propagé, la suspicion aura tôt fait de tuer dans l'œuf les moindres velléités de zèle et d'initiative. Bref, manier le couperet sans discernement perceptible pénalisera irrémédiablement l'ensemble de l'activité de l'entreprise.

D'autre part, il est bon, en ces périodes de repli, de vaticiner un brin...

La théorie des cycles économiques

Une phase de reprise est généralement la suite logique d'une crise, aussi profonde soit-elle. Il s'agira d'être armé du mieux possible lorsque les fameuses "pousses vertes", ne seront plus seulement des leurres de politiciens pour rassurer les foules, mais bien un champ de blé en herbe. Les places les plus convoitées sur le marché seront alors rapidement occupées. Aussi est-il préférable de conserver, voire de développer, son pouvoir d'attraction des meilleurs éléments, d'attirer les "talents" comme on dit...

Le changement technologique

À l'instar des délocalisations massives vers des pays à bas salaires, l'automatisation est aussi soupçonnée d'être la cause de licenciements massifs.
Personnellement, j'ai toujours pensé (et je pense toujours d'ailleurs) que l'automatisation généralisée était le meilleur moyen d'éliminer les métiers pénibles, dangereux et inintéressants. Il suffit de passer un peu de temps dans une usine pour comprendre à quel point un travail peut être aussi abrutissant qu'épuisant et les réorganisations radicales de type lean n'ont pas vraiment arrangé le tableau. L'automatisation des tâches dangereuses et inintéressantes, c'était aussi le moyen de libérer du temps pour tout un chacun.
songeur Keynes, qui avait bien anticipé les gains de productivité, promettait en 1930 la semaine de 15 heures pour 2030. Quasi un siècle plus tard, les gains de productivité sont bien au rendez-vous de ses prévisions, mais malheureusement, on ne les partage toujours pas et la durée du temps de travail n'a été réduite qu'à la marge. Le célèbre économiste britannique n'avait pas prévu que la relation dominant - dominé, engoncée dans son archaïsme, deviendrait une maladie chronique paralysant les relations sociales.

Pour l'entreprise, un salarié est un coût et non un créateur de valeur

Il n'en est pas moins vrai que la principale raison d'automatiser/robotiser un atelier est bien d'économiser les salaires. Le partage des gains de productivité ainsi réalisés, un vieux rêve qui remonte aux origines de l'entreprise industrielle, n'est même plus dans les discours des représentants syndicaux.
idéePrenez le temps de vous attarder sur le modèle des coopératives, la seule organisation d'avenir, en tout cas selon ses statuts, même si elle est bicentenaire... (À ne pas confondre avec l'entreprise libérée) Voir ici : Entreprise libérée ou coopérative SCOP ?
Bref, les salariés ne sont désormais que des centres de coûts aux yeux de l'armée de gestionnaires qui ont pris les affaires en main. Et comme on ne partage pas les fruits de l'automatisation, à chaque restructuration organisationnelle, les premiers se retrouvent sur le carreau.

"Il faut changer de secteur professionnel, faire des formations, accepter l'éloignement, les bas salaires, bref, surtout que l'on ne vous entend pas." Nous expliquent les vendeurs de salades pas fraîches qui, tels les pharisiens des Évangiles, justifient ainsi l'injustifiable en s'appuyant sur des règles morales qu'ils ne suivent pas eux-mêmes.

Et voilà l'intelligence artificielle qui débarque

Après les cols bleus, c'est au tour des cols blancs d'être sous la menace du remplacement par la techno. Les promesses de l'intelligence artificielle, même si elle ne sera jamais en mesure de prendre des décisions autres que procédurales, voir ici Intelligence artificielle et prise de décision, suscitent bien des espoirs chez les coupeurs de coûts en quatre. Imaginez des robots qui ne prennent jamais de vacances, ne rechignent pas à faire des heures supplémentaires et à travailler le week-end ! Un rêve !

La société "Onclusive" n'a pas hésité une seconde. Elle a pris la décision de remplacer la moitié de son effectif français par une IA :Onclusive remplace la moitié de ses salariés français par un logiciel d"IA (Les Echos)
Pour la petite histoire, c'est une entreprise qui assure une veille médiatique et élabore des revues de presse pour ses clients. À titre anecdotique, il est intéressant de noter qu'un des premiers travaux de recherche autour de l'usage de l'ordinateur était justement pour réaliser en automatique des synthèses d'articles scientifiques. C'était en... 1957 ! Voir ici le text mining expliqué)

Pour justifier en toute impunité cette décimation en règle, la direction évoque les "inévitables mutations technologiques" et "Le bénéfice pour les clients" (La tribune 21/09/2023). Ce dédouanement jésuitique de toutes responsabilités n'est pas sans rappeler :

je ne vous licencie pas, je vous libère
formule employée dans les mêmes conditions par un "sympathique" patron de start up (Sebastian Thrun, dirigeant de Udacity, entreprise de formations en ligne), invitant ainsi les malheureux sacrifiés sur l'autel de la rentabilité, à devenir proactif dans le processus exotique consistant à aller voir ailleurs (sic.). (Le Monde 22/01/2018)

Pour en revenir à Onclusive, cerise sur le gâteau, les futurs licenciés seront invités avant leur départ à entraîner les outils d'IA. Dans la production aussi, lors des délocalisations, les salariés en attente de leur licenciement devaient parfois former leurs remplaçants. Comme quoi, les cols blancs ont bien fini par rejoindre les cols bleus dans cette grande casse de l'emploi.

Une entreprise commerciale n'existe que pour générer du profit

Ce n'est pas un "gros mot" de dire cela. C'est le principe de base. C'est sa raison de vivre, voire de survivre dans les cas limites. Une entreprise n'est pas une institution philanthropique. Après on peut essayer d'être "humain", sympa, bienveillant, de ne jurer que par la psychologie positive et le bonheur au travail, de créer des équipes souriantes et enthousiastes telles les photos exposées dans le hall d'accueil ou sur le site web de l'entreprise. Si c'est profitable et que ça ne coûte pas trop cher, pourquoi pas. Mais ce n'est pas cela qui garantira votre avenir.
Truc de proVoir notamment ici les envers de la bienveillance "patronale"

On peut aussi être un dirigeant humaniste c'est un fait. Cependant la loi du chiffre sera toujours l'ultime couperet. Voir à ce sujet notamment les déboires d'Emmanuel Faber ex-dirigeant de Danone qui avait mis en place la transformation du groupe agroalimentaire en une entreprise à mission. Les actionnaires lui ont rapidement réglé son compte !

-- Il y a des patrons de gauche, je tiens à vous l'apprendre
-- Il y a aussi des poissons volants, mais qui ne constituent pas la majorité du genre.
("Le président" Henri Verneuil)

Alors, le prochain viré, c'est qui ?

Voilà la question du moment lorsque l'on est de l'autre côté du manche, que l'on turbine au fond de la galerie.
Jusqu'à présent, il n'existait pas d'études effectives sur les processus de licenciements brutaux, ou euphémiquement dit, de concentration des forces.

Comment procède-t-on dans votre boîte ? Le savez-vous ?

  • Place-t-on au premier plan la recherche d'efficacité, chacun se présente devant le dégraisseur en chef, avec sa grille de performance collée sur le front, et on élimine les supposés moins brillants ? Voir aussi à ce sujet l'évaluation de la performance individuelle.
  • Préfère-t-on traiter cette question sous l'angle de la rationalité économique, et l'on se débarrasse alors des globalement moins rentables, notamment ceux qui interviennent sur des secteurs à faible valeur ajoutée en tout cas à court terme ? Voir à ce sujet la casse des centres de Recherche et développement. (Sanofi confirme des suppressions d’emplois dans sa branche recherche et développement (Le Monde 18/01/21))

    D'autres adeptes du couperet, encore plus malins, obsédés par les résultats trimestriels, dégraisseront aussi les activités rentables, sachant fort bien que ceux qui conservent leur poste prendront en charge les tâches de leurs compagnons moins "chanceux".

    clin doeilNe serait-ce pas là l'origine de la légendaire productivité des Français: accomplir le travail des collègues licenciés ? Sans rechigner, bien sûr, on ne sait qui sera de la prochaine charrette.
  • Ou encore abuse-t-on d'arguments paternalistes et l'on pousse vers la sortie les plus jeunes (LIFO Last In First Out), les soi-disants mieux dotés pour affronter l'avenir en argumentant sur leurs capacités naturelles de rebond ? Afin de rassurer ceux qui restent en place, bien sûr.
  • Ou agit-on plus simplement en bons profiteurs de la société et on évacue les plus vieux, ceux qui sont plus proches de la préretraite en comptant sur la solidarité nationale pour assurer la suite... "Et puis de toute façon les autres n'en font-ils pas tout autant ?" me confiait un jour un DRH à court d'arguments, après une soirée arrosée, il est vrai.

Quelques études empiriques

La réponse n'est pas toujours univoque. Cela dit, selon les études ci-après, les entreprises de culture latine et notamment les françaises auraient tendance à se débarrasser des plus anciens, surtout lorsqu'ils ont un salaire élevé et paradoxalement même lorsqu'ils surperforment...

Si vous souhaitez anticiper un peu et vérifier que vous n'êtes pas susceptible de devenir un passager involontaire de la prochaine charrette en préparation, je vous recommande de vous attarder sur les textes suivants, toujours d'actualité.

Ressources Web Ressources web


L’auteur

Alain FernandezAlain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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Commentaires des premiers lecteurs


Très bon article comme bien souvent. Je ne suis pas certain que la politique des licenciements soient toujours bien claire. Dans ma boite comme vous dites, les chefs de secteur ont le choix des futurs chômeurs. Il n'y a pas de politique générale. On a simplement pour objectif de réduire les coûts. A nous de voir comment faire la même chose pour moins cher. Bonne continuation.
Ecrit par : jacquesmeylan

Très bon article
Ecrit par : redouane

À lire...

La solution au problème exposé:

  • 1. Réformez en totalité la mesure de la performance afin d'évaluer dans la durée la création de valeur effective et cessez de juger sur de vagues résultats quantitatifs plus ou moins précis, plus ou moins faussés.
  • 2. Donnez les outils d'évaluation aux décideurs de terrain. la mesure de la performance sert à maîtriser les démarches de progrès, elle n'existe pas pour qu'une poignée de fonctionnels jouent aux gendarmes !
En première partie, ce livre fondé sur vingt ans de pratique, dépiste les fausses routes du management de la performance avant de développer en deuxième partie une démarche pratique concrète et illustrée. Livre de référence du site...

Tableaux de bord du manager innovant, le livreLes tableaux de bord du manager innovant
Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe

Alain Fernandez
Éditeur : Eyrolles
Pages : 320 pages

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