Evaluation de la performance individuelle
Par définition, la mesure de la performance individuelle correspond à l'évaluation périodique de l'aptitude de chaque individu à atteindre les objectifs qui lui sont fixés. Dans la pratique, cette évaluation n'est pas exempte d'effets pervers. La compétition entre les salariés et la quête de la performance à court terme aux dépens du long terme en sont bien trop souvent le résultat paradoxal. Voyons cela.
La mesure de la performance individuelle, un thème sensible
La mesure de la performance individuelle n'a vraisemblablement jamais autant été encensée que ces dernières années.
Elevée au rang de culte, la politique du chiffre ou son euphémisme la culture du résultat, n'est pas exempt d'effets pervers.
En cherchant à favoriser exclusivement l'émergence de nouveaux "stakhanov", ce mode de management désormais universalisé se positionne en totale opposition de phase avec les attendus de la société de la connaissance, fondée sur une coopération libre et étendue.
Les effets dévastateurs d'un tel mode de management sont déjà très nettement perceptibles au sein des entreprises dès que l'on cesse d'écouter les discours encenseurs de la direction et des relations publiques et que l'on s'attarde un peu sur les pratiques de terrain et leurs conséquences.
Les paradoxes de la performance individuelle
Croyances et évaluation
Le culte de l'évaluation de la performance individuelle repose sur deux mythes aux conséquences paradoxales.
- Les indicateurs de performance choisis sont suffisamment pertinents pour apprécier la création de la valeur ajoutée de l'acteur considéré.
- La somme des performances individuelles est le plus sûr chemin pour accéder à un optimum de la performance globale.
Les indicateurs sont aussi parfois des oeillères
Ces deux croyances, véritables postulats de la démarche, sont paradoxales dans le sens où elles conduisent irrémédiablement à un résultat totalement inverse aux ambitions initiales d'amélioration.
Lorsque l'on accorde une foi sans limite à une poignée d'indicateurs on est à peu près certain de passer à côté de pans entiers de la performance. Ce propos est d'autant plus avéré lorsque par pur facilité, ou par méconnaissance de la pratique, les indicateurs ont été choisis sans tenir compte de la définition de la performance selon la stratégie choisie.
Le quantitatif en référence à des standards flous et réducteurs prend alors le pas sur le qualitatif et la subtilité. Cet outil d'évaluation ainsi sommairement bâti est bien incapable de percevoir les multiples nuances de la performance.
Passées au travers d'un tel crible, les contributions actives moins visibles et pourtant efficaces dans la durée des acteurs les plus discrets, seront dévaluées, éliminées.
Lorsque les indicateurs orientent les actions...
L'action indépendante orientée uniquement vers la maximisation à court-terme des critères de performance retenus prend le pas sur le collectif et le partage, des valeurs pour le long terme.
Bien malin celui qui arrivera a promouvoir une
entreprise "numérique" sans réformer ces pratiques bien ancrées.
Le court terme privilégié, au dépend du long terme
Il est désormais évident que la réussite passe nécessairement par
l'entraide, la solidarité, le partage. Pourtant bien des entreprises favorisent un management stimulant la performance individuelle et la compétition au quotidien.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que la mesure de la performance à court terme est privilégiée même si elle pénalise le long terme. Il s'agit d'afficher rapidement des résultats pour montrer lors de la prochaine revue que l'on réalise des progrès concrets, quitte à embellir son reporting, rien n'est trop beau pour récolter le plus rapidement les lauriers.
La performance durable exige une tout autre stratégie
La performance durable, donc à long terme, demande une toute autre stratégie de reconnaissance qui actuellement n'est pas en phase avec la politique des entreprises soumises aussi au diktat boursier mais pas seulement. La publication périodique des chiffres se satisfait peu de promesses aussi crédibles soient-elles. on veut du concret, du résultat. Mais tout cela les managers le connaissent au quotidien.
Lorsque la mesure oriente la performance
La mesure de la performance individuelle, particulièrement en vogue ces derniers temps, n’est pas exempte d’effets pervers. Le lien direct entre la performance des décideurs et la rémunération est l’une des explications les plus plausibles de la multiplication de comportements particulièrement irrationnels.
Pour le décideur, l’amélioration de la performance est alors uniquement envisagée selon les seuls objectifs mesurés, ceux dont l’accomplissement se traduira par une gratification, financière ou autre.
Pourquoi s’attarderait-il à résoudre un imprévu, à rechercher une solution originale ou à explorer une opportunité, dans la mesure où ces travaux n’influent pas positivement sur sa performance personnelle, en tout cas telle qu’elle est perçue par ses supérieurs ? Autant se consacrer à la maximisation des tâches en accord avec les critères préétablis.
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L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a conduit et accompagné de nombreux projets d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
Ressources web
- Voir aussi : Article publié dans "Les Échos"
L'évaluation systématique de la performance individuelle est un mode de management particulièrement prisé, il n'est pourtant pas exempt d'effet pervers... A lire cet extrait des Nouveaux tableaux de bord des managers, Eyrolles.
A ce sujet, voir aussi
- Culture du résultat, les effets pervers
Manipulations et dévoiement de la stratégie sont intrinsèquement liés à l'essor absurde de la culture du résultat. Dans ce contexte, lorsque la performance est matérialisée par un indicateur unique, ce n'est plus la performance que l'on cherche à améliorer mais l'information portée par l'indicateur. Pour y remédier, Il n'est d'autre solution que de passer d'une logique de la récompense et de l'évaluation à une logique de la responsabilité et du contrat.
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Lecture recommandée
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Pour conclure, il est salutaire de réfléchir de temps de temps à la portée de la formule utilisée notamment par Kenneth Blanchard (l'auteur du Manager Minute, réédité par Les Editions Eyrolles) dans "Anticipez le changement. L'auteur de cette citation est Lily Tomlin :
Dans une course de rats, même lorsque vous gagnez, vous n'en restez pas moins un rat..
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