Comment limiter les risques du projet
Malgré la croyance généralement admise, nous ne sommes pas rationnels, ni en entreprise ni ailleurs. Pour manager en univers complexe il est plus que prudent de bien évaluer les limites de la rationalité limitée et de comprendre que c'est bien en communiquant sans aucun préjugés que l'on parviendra à étendre lesdites limites.
Les limites de la rationalité...
Selon le modèle de l'homo economicus qui contre et marée survit en tout cas dans le monde de l'entreprise, n
bon décideur est un rationnel avant tout, dit-on. Pleinement informé, il juge froidement les données à sa disposition et choisit toujours la meilleure alternative... Encore faut-il être pleinement informé !
La rationalité limitée
Ce qui est loin d'être le cas en situation complexe. Il est en effet assez rare de tenir toutes les cartes en main pour bien
apprécier le risque à sa juste valeur. Notre vision est partielle et de plus, comme disait
Herbert Simon, notre rationalité est limitée. En temps d'incertitude et avec un manque chronique d'informations, on a tendance à limiter notre décision à la première option à peu près acceptable.
Légende : le processus de la rationalité limitée expliqué.
Explication (simplifiée) du principe de la rationalité limitée appliquée du manager de terrain
- Le décideur a tendance à chercher un schéma de données qui correspond à peu près à l'idée qu'il se fait de la solution.
- Finalement il se contente d'une solution acceptable selon ses critères.
- L'explication est simple : le décideur est soumis a de multiples pressions, celle du temps n'étant pas la moindre. Le risque minimal, c'est encore de rester dans les limites de ce que l'on connait.
Si l'on y parvient : Bingo !
Collecter l'information là où elle se trouve
Pour étendre les limites de la rationalité, il n'est d'autre solution que d'échanger avec ses pairs qui, utilisant un autre prisme (déformant) de la réalité, l'observent depuis un angle de vue différent.
Aussi bien conçu que puisse être un tableau de bord, il ne prendra jamais la décision à votre place... Et lorsque la problématique tend à devenir complexe, lorsque l'incertitude envahit le terrain et que le doute s'instaure, on est bien seul pour décider... ou ne pas décider.
Ainsi, le « parfait » tableau de bord sera complété d'une palette d'outils de communication facilitant l'établissement de relation d'échanges, impromptus ou continus. C'est en effet le seul moyen pour mieux cerner ce diamant multi facettes et insaisissable qu'est la réalité d'une situation à un instant donné.
Un exemple de prise de risques inacceptable
Je me souviens ainsi d'un
projet transversal, il y a déjà quelques années de cela. Je suis alors entré en scène bien après l'exécution de la pièce, une fois le projet tombé dans la fosse d'orchestre. À moi de réparer les pots cassés, je suis engagé pour cela. En tout cas, il est déjà top tard pour corriger le tir. Le chef de projet n'a pas vraiment effectué les choix les plus judicieux.
N'ayant qu'une vision partielle de la problématique réelle, ses décisions, rationnelles à son sens, se sont avérées catastrophiques pour le projet. C'est peu dire que sa rationalité était sacrément limitée.
Problème : le manager n'est pas causant !
Pas mal d'éléments, complets ou à l'état de bribes d'informations comme c'est souvent le cas, sont disponibles à portée de dialogue dans les bureaux voisins.
Les collègues détenteurs de l'information auraient-ils ouvert la porte ? L'histoire ne le dit pas. En tout cas, je me suis laissé dire que le chef de projet ne s'est pas donné la peine de tourner la poignée.
Récemment nommé, investi d'un pouvoir sur son équipe, il pense limiter les risques en se contentant de reproduire ce qu'il sait faire, ce qu'il a appris en un autre contexte. Mais au lieu d'en profiter au titre d'expérience pour mieux aborder le contexte du projet, il préfère répéter à l'identique ce qu'il a réussi ailleurs, dans une autre entreprise.
D'expérience, c'est souvent ainsi que les projets dérapent...
L'autoritarisme et l'absence de communication sont les deux signes manifestes d'un manager mal dans son rôle
Il impose et refuse le dialogue de peur d'être mis en porte-à-faux. Une bonne méthode pour foncer tête baissée vers l'échec. Après, on peut toujours évoquer la
fatalité pour expliquer l'issue fatale du projet. Si la ligne de non retour est franchie et qu'il est trop difficile de rattraper pour réorienter le projet, il faut peut-être penser à
stopper ledit projet afin de limiter les pertes budgétaires, exploiter l'enseignement de l'échec et repartir sur une bonne base.
Il ne s'agit en rien d'une disponibilité d'outils de communication
Ce ne sera pas en mettant à disposition des managers et des équipes les derniers outils de communication et de partage pour améliorer significativement les échanges que l'on déclenchera le goût de la communication sans préjugé. Le plus beau des téléphones n'a jamais incité qui que ce soit à communiquer les informations essentielles à un nouveau venu. Nul besoin d'un réseau social d'entreprise pour dynamiser les échanges si les protagonistes n'ont guère envie de communiquer.
La communication ne se décrète pas, elle ne repose pas sur la technologie. Elle est totalement dépendante du sens de la responsabilité du manager et de son talent pour échanger et partager sans jamais juger a priori son interlocuteur. Le micro-signal ne passe pas par la hiérarchie.
Finalement, le meilleur système de partage de la connaissance ne commence-t-il pas par un café pris en commun, une petite bouffe, une discussion sur un coin de table (vive les nappes en papier, indispensables pour les crobards impromptus), bref une rencontre informelle ?
Pour conclure : Il n'est guère possible de se protéger de tous les risques qui menacent le bon achèvement du projet. Cela dit, avec de bonnes habitudes, on peut aisément en prévenir une bonne partie. La première et la plus essentielle de ces habitudes, c'est de communiquer. Communiquer, c'est parler, expliquer mais c'est aussi écouter. C'est provoquer l'échange et inviter tous les acteurs de l'entreprise, parties prenantes directes et indirectes, à donner le maximum d'informations. Nous venons de voir ce qui se passe lorsque le chef de projet préfère rester dans son coin.
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L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a conduit et accompagné de nombreux projets d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
À ce sujet, voir aussi
- 4 Conseils pour un chef de projet débutant
1. Lutter contre l'isolement
2. Préparer son projet
3. Communiquez pour mieux anticiper
4. Vendre son projet.
- Quand la fatalité s'abat sur le projet
Le déroulement d'un projet n'est pas toujours un long fleuve tranquille, tant s'en faut. Les inévitables imprévus ne tarderont pas à bousculer les plans les mieux ficelés. Mais quand les impondérables se multiplient à l'infini, on peut alors se poser la question de la fatalité.
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Les statistiques évaluant le taux de projet d'entreprise ratés est bien là pour mettre en garde les managers les plus enthousiastes. Les 20 facteurs d'échec cités dans cet article constituent un premier guide de prévention...
À lire…
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Commentaires de lecteurs
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Source illustrations : SilviaP_Design, Peter David et OpenClipart-Vectors de Pixabay
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Écrit par : Philippe Piat
Je suis convaincu que la plupart du temps, les beaux outils de communication mis à notre disposition ne servent souvent qu'à transmettre des informations techniques. Par contre, dans une entreprise où la circulation était organisée autour de la cafétéria centrale j'ai vu parfois s'échanger de vrais informations autour d'un café ou d'un jus d'orange. Là se côtoyaient aussi bien le PDG que la femme de ménage, l'employée de l'administration des ventes que le directeur logistique. Un vrai foisonnement, une vraie richesse
Ecrit par : Pierre Sanchez