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L'Intelligence Artificielle et la prise de décision, deux bonnes raisons de ne pas y croire

Si, depuis déjà quelques années, on loue avec toujours plus d'emphase les succès rencontrés par les solutions d'intelligence artificielle, c'est à juste titre tant les progrès sont significatifs. Il existe toutefois un domaine où l'IA ne sera jamais à la hauteur de l'humain : c'est celui de la prise de décision. Remplacer l'homme par un robot, ce n'est pas encore pour demain... Ni pour après-demain. Voyons pourquoi...
Sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme. François Rabelais

Intelligence Artificielle Vs Intelligence Humaine

Les automates remplacent une part significative du travail manuel depuis déjà quelques décennies. Les solutions d'Intelligence Artificielle s’apprêtent à remplacer à son tour, à plus ou moins long terme, les tâches intellectuelles répétitives et automatisables.

Mais qu'en est-il des tâches un peu plus complexes impliquant une prise de décisions non pré-écrites, des tâches que chacun d'entre-nous, quels que soient son rôle ou sa fonction, rencontre au quotidien ?

Commençons par deux définitions pour éclairer la suite du propos.

Qu'est-ce que l'Intelligence artificielle ?

Intelligence artificielle et prise de décisionL'Intelligence Artificielle, comme toutes solutions informatiques, repose sur un ensemble d'algorithmes, notamment le (les) désormais fameux Machine Learning" et autres "deep learning". Il s'agit d'un type d'algorithme fondé sur un principe d'auto-apprentissage, se nourrissant en continu des nouvelles données disponibles.

C'est un algorithme un peu particulier puisqu'il apprend seul pour agir et réagir en s'améliorant automatiquement, en tout cas théoriquement et en considérant le terme "d'amélioration automatique" dans son sens le plus strict.

Amélioration continue dites-vous ?
Il y a déjà quelques années, le bot d'Intelligence Artificielle "Tay" de Microsoft (Tayandyou sur twitter), à force "d'amélioration automatique" était devenu en moins de vingt-quatre heures un infâme nazi. Il a vite été déconnecté.

Bien évidemment, l'IA a significativement évolué depuis. Au vu des investissements massifs réalisés (Microsoft a investi dix milliards de dollars dans OpenAI l'entreprise à l'origine de Chat GPT), on peut sérieusement le penser même si le principe fondamental est toujours le même : « Il n’a rien de révolutionnaire » : Yann LeCun, 01net.

On se méfiera notamment des phrases bien tournées piquées à gauche ou à droite dans le corpus disponible en ligne mais qui, une fois mises à plat, n'apportent pas grand chose au débat, si ce n'est des erreurs d'interprétation.

À ce sujet, plus récemment, Meta (Facebook) a déconnecté au bout de trois jours son IA "Galactica" qui là encore générait des articles racistes et mensongers : Galactica, la nouvelle IA de Meta dépubliée au bout de trois jours (NextInpact)

Pour en revenir à la question posée IA Vs Intelligence humaine :

Ne perdons jamais de vue qu'une Intelligence Artificielle est dépourvue de conscience.
C'est bien pour cette raison qu'il ne prendra jamais de décisions comme un humain. Pour creuser un peu plus la notion d'algorithme, poursuivons avec un premier extrait du livre : les tableaux de bord du manager innovant"

Qu'est-ce qu'un algorithme ?

Tout comme celui de «Big Data», le terme d’algorithme est passé dans le langage courant. Selon la presse généraliste, l’algorithme semble désigner aujourd’hui d’énigmatiques systèmes informatiques d’ultime génération, dotés d’une capacité d’apprentissage infinie qui leur conféreraient un pouvoir omniscient quasi magique.

Ces « algorithmes » au fonctionnement ésotérique pour le commun des mortels, véritables entités pensantes, seraient en passe de nous dominer et de nous reléguer, nous autres insignifiantes créatures humaines, à quelque chose d’anachronique dans une cyber société ultra-libérale régnante...

Espérons que tout cela s’achève mieux pour nous que pour les personnages des dystopies !

Cela dit, la crainte d’accorder un pouvoir inconsidéré aux systèmes d’intelligence artificielle toujours plus autonomes, sans régulation ni débat éthique officiel est aujourd’hui pleinement justifiée !
Sinon, pour mémoire, le terme « d’algorithme » désigne à l’origine un enchaînement d’opérations pour exécuter un calcul et par extension une tâche précise, informatisée ou non. L’algorithme d’Euclide pour trouver le plus grand commun diviseur (PGCD) en est l’exemple le plus classique.

Décisions procédurales et décisions ad hoc

Pour faire vite, il existe deux types deux types de décision prise sur le terrain en entreprise : les décisions procédurales et les décisions ad hoc.

Les décisions procédurales

Pour les premières, la décision est pré-écrite. Un simple algorithme que l'on peut réduire à un organigramme simplissime du style "si ceci faites ceci sinon faites cela" guide le processus de décision. Les arbres de décision sont l'exemple le plus connu d'aide à la décision procédurale (du type guide de dépannage...).

Les décisions "ad hoc" sont d'un autre registre.

Sous ce qualificatif de "Ad Hoc", on sous-entend des décisions non prédéterminées, prises à l'initiative des managers et responsables pour résoudre un problème ponctuel. C'est dans cette catégorie que l'on rangera les décisions difficiles à prendre.

On a beau inonder les acteurs de terrain de procédures et de normes en tout genre pour s'assurer qu'ils ne sortent des ridelles du "prescrit", ceux-ci sont bien tenus de prendre les décisions ad hoc qui s'imposent pour garantir la continuité du processus de création de valeurs.

C'est toute la différence entre le travail prescrit et le travail réel, un sujet qu'a bien étudié: Christophe Dejours.

Il serait temps que les dirigeants, consultants-prescripteurs et autres adeptes des démarches top-->down prennent conscience que les entreprises fonctionnent uniquement grâce au bon sens des acteurs de terrain qui savent prendre la décision adéquate en fonction du contexte, imprévisible par nature.

Les deux types de décisions ad hoc

Les décisions ad hoc peuvent être subdivisées en deux catégories :
  • 1. Les décisions où les données sont disponibles.
  • 2. Les décisions où les données sont incomplètes et règne un climat d'incertitude.

Les types de décisions prises en entreprise
Légende: Les types de décisions prises en entreprise

Les données sont disponibles

Pour le premier cas, la prise de décision, fût-elle ad hoc est plus évidente, en tout cas pour le professionnel expérimenté. Il lui suffit de collecter les bonnes informations pour se forger un solide avis et prendre la seule décision qui s'impose à ses yeux ou à ceux de l'équipe dans le cas de la prise d'une décision en équipe.

Etant donné que les données sont disponibles, il n'aura aucune difficulté à justifier son choix, le cas échéant. C'est du ressort du professionnalisme et de la compétence. Celui qui connait bien son métier sait collecter, rapprocher et interpréter les bonnes données.

Les données sont incomplètes, il règne un climat d'incertitude

La décision est une prise de risquesEn revanche, le second cas est bien plus délicat. C'est là où le terme de "décision" trouve tout son sens. Il est en effet impossible de collecter toutes les informations nécessaires pour garantir un choix unique. C'est un contexte d'incertitude. Il faut donc "inventer" les informations manquantes et s'engager. La décision s'apparente alors à une prise de risques. C'est une question de bon sens et d'expérience.
Les anglophones évoquent les "tripes" "trust your gut" pour bien marquer le rôle de l'intuition pour justement "inventer" les éléments manquants.

Il est aussi juste de mentionner la difficulté de s'engager sans disposer de tous les repères, de la prise de risque et l'importance radicale de la sphère émotive dans ce complexe processus de décision en un contexte d'incertitude. Lire à ce sujet les travaux Antonio Damasio, spécialiste des neurosciences, et notamment : l'erreur de Descartes.

Esprit de géométrie et esprit de finesse

À titre anecdotique et sur un thème connexe, rappelons l'opposition que formulait Pascal entre l'esprit de géométrie et l'esprit de finesse. L’esprit de géométrie est fondé sur des principes clairs afin que nous puissions réaliser des calculs et exprimer des raisonnements logiques et donc compréhensibles par tous.
En revanche, l’esprit de finesse caractérise l’intuition et la créativité.
L'Intelligence Artificielle est bien dotée de l'esprit de géométrie, mais il lui manque l'esprit de finesse. Elle ne dispose pas de l'intelligence de l'humain qui lui permet de décider dans l'incertain.
Esprit de géométrie ou de finesse ? (Philosophie Magazine)
En 1642, à l'âge de 19 ans, Blaise Pascal invente la première machine à calculer, quelque part l'ancêtre de nos ordinateurs : la Pascaline.

Un bémol : la rationalité limitée

La dichotomie proposée ici pour différencier les deux types de décisions est un peu simpliste à dessein. Même si les données pour décider sont disponibles, il n'est pas dit que pour autant le décideur adoptera un comportement purement rationnel tel que le définit le modèle de l'homo oeconomicus. Les travaux de Herbert Simon, prix Nobel 1978, autour de la rationalité limitée, glisse un léger bémol qui peut mettre à mal un tel modèle.

Pour le dire vite, le décideur ne se risque pas à chercher la solution la plus optimale. Il se contente de la première satisfaisante à son sens. Le manque de temps explique en grande partie ce comportement, mais pas seulement. Toute la subjectivité du décideur entre ne ligne de compte.

La rationalitée limitée
Légende : le processus de la rationalité limitée. Cliquez sur l'image pour l'agrandir

Cela dit, pour justifier l'utilité du modèle ici présenté, ne jamais oublier la formule de George Box (1919-2013), statisticien :

Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles.
Poursuivons avec un second extrait du livre de référence pour mieux éclairer le propos :

La décision en temps d'incertitude n'est pas pour l'IA

Décider, c’est s’engager en un territoire qui n’est que très partiellement balisé. On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, et l’on ne dispose pas non plus de la totalité des informations pour mieux cerner la situation présente. La décision est une prise de risques. Et ce n’est pas le big data qui changera quoi que ce soit à cet état de fait.

Nous ne serons jamais pleinement informés, c’est ainsi. Seulement, nous les humains, nous sommes bien mieux équipés que les machines fussent-elles équipées d'algorithmes d'Intelligence artificielle pour décider. C’est, en effet, en nous appuyant sur notre sphère émotionnelle et notre sensibilité affûtée par notre expérience acquise au fil des années, que l’on sait discerner une voie possible dans un brouillard entropique généralisé. Bref, on anticipe.

Au contraire d'un décideur, une intelligence artificielle ne partagera pas ses sentiments

... Puisqu'elle n'en a pas !

C'est second thème inaccessible aux machines. Un thème qui rejoint quelque part le précédent. Il s'agit de notre capacité à échanger et à partager naturellement des informations. Ce ne sont pas des informations bien formatées comme deux unités centrales peuvent en échanger, mais des suppositions, des sentiments ou des émotions. C’est ainsi que depuis l’origine des temps, les humains mènent leur barque en environnement complexe et incertain.

En fait, c'est quoi décider ?

Décider, c’est effectuer un choix qui nous engage dans une direction donnée et nous contraint à l’action. Décider n’est pas toujours facile. Il ne suffira pas de peser le pour et le contre pour ne pas se tromper. Décider, c’est aussi parfois devoir choisir entre plusieurs alternatives alors qu’aucune ne se distingue réellement. Ce dilemme est encore plus exacerbé en temps d’incertitude.

Les éléments disponibles pour juger de l’opportunité de l’une ou l’autre option sont insuffisants pour décider sans coup férir. Pour pimenter un peu plus s’il était nécessaire, ajoutons que la décision n’est possible que dans une certaine unité de temps. Il faut donc savoir exploiter au mieux les seules informations disponibles durant la fenêtre de décision. Lire la suite et l'article complet dans le livre de référence

Pour que l'IA soit au service de l'humain et non l'inverse !

Encore faut-il en connaître les limites et les travers pour mieux la domestiquer. Et c'est peut-être bien une des missions que devrait remplir l'éducation nationale : enseigner le bon usage de cette multitude d'outils qui ne vont guère tarder à débarquer. L'idée est que chacun soit à terme suffisamment armé pour dominer un tant soit peu ces technologies et éviter ainsi de se laisser manipuler.

C'est une lourde tâche qu'il s'agit d'entreprendre dès le plus jeune âge. Nous n'en sommes plus au temps de l'apprentissage des rudiments du codage comme certains le préconisent encore. Ça, c'était au siècle dernier qu'il fallait le faire.

Aujourd'hui, ce n'est pas par ce que l'on apprend à écrire une boucle "for" ou un choix conditionnel "if then else" que l'on saura se dépatouiller de ces outils. L'enjeu est d'une autre envergure.

En complément : COMMENT PERMETTRE À L’HOMME DE GARDER LA MAIN ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle. (CNIL).

Remarque: Cet article est fortement inspiré du livre "Les tableaux de bord du manager innovant, © Eyrolles 2018". Les extraits sont cependant partiellement réactualisés et complétés pour ce présent article.

L’auteur

Alain FernandezAlain Fernandez est un spécialiste de la mesure de la performance et de l’aide à la décision. Au fil de ces vingt dernières années, il a accompagné nombre d'entreprise en France et à l'International. Il est l'auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Eyrolles consacrés à ce thème et connexes, vendus à plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires et régulièrement réédités.
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Alain Fernandez
Éditeur : Eyrolles
Pages : 320 pages

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Format ebook : PDF & ePub, Format Kindle


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Les fiches du dossier: Processus de décision

Source illustrations :  Gerd Altmann, Peggy und Marco Lachmann-Anke, Peter David, OpenClipart-Vectors de Pixabay  


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