Avez-vous, au cours d'un projet, déjà rencontré la poisse ? Attention, la vraie, celle qui colle à la peau, celle qui rend fataliste, celle qui transforme tous les efforts en simples velleités ? Terry Gilliam, lui, l'a rencontrée....
Lorsque la poisse s' en mêle...
L'autre matin, dans un bar du boulevard Saint-Antoine, je rêvassais devant mon café tout en regardant à travers la vitre la ville déjà bien éveillée, lorsque Marc un copain, formateur de profession, me demanda comme ça de but en blanc :
- Quelle analogie, utiliserais-tu pour expliquer ce qu'est la conduite d'un projet complexe ? Moi ça m'aide bien les analogies. Mais là je sèche un peu.
J'avais bien pensé à un orchestre symphonique travaillant sur une oeuvre compliquée style schöenberg ou Webern, mais je ne la sens pas bien.
- Effectivement, lui répondis-je, je ne suis pas vraiment sûr que la direction d'orchestre soit la meilleure des analogies pour expliquer la conduite de projet complexe. La partition est déjà écrite et son interprétation est totalement dépendante de l'inspiration créatrice du chef. Je ne sais pas si tu as déjà écouté les répétitions de Toscanini, mais c'est quelque chose ! Il faut que l'orchestre fasse exactement ce que demande le chef. Attention ! Je ne dis pas que c'est plus ou moins facile. La problématique est à mon avis totalement différente. Là nous sommes dans une dimension créatrice....
- C'est vrai, que le chef dans ce cas sait exactement où il veut aller. Approuva-t-il. Son objectif est clair et précis. La difficulté est dans un registre différent.
Que penses-tu alors de la réalisation d'un film ? Reprit-il....
- C'est sûrement proche au niveau de la complexité de la réalisation, surtout si l'on considère le cas de l'industrie du cinéma commercial où le scénario ressemble plus à un cahier des charges.
-Moi je pense que ça doit marcher me confirma Marc. Regarde, le cinéma, c'est des techniciens aux métiers différents, des acteurs pas toujours faciles, des tonnes de problèmes, des producteurs impatients et aux aguets.
-Ben tiens, ils veulent rentrer dans leurs frais !
- Et voilà ! On est bien dans le même cadre !
C'est vrai que les analogies sont un bon moyen préalable à une explication en posant les fondamentaux de la réflexion. Le tout c'est de ne pas s'y laisser enfermer !
Je repris :
- Tiens à propos de cinéma, tu connais Terry Gilliam ?
- L'ancien Monthy Python ? Brazil ?
- Oui exactement. As-tu vu le making off de son film inachevé sur Don Quichotte?
- Un film inachevé ? Qu'est que tu me racontes ?
- Oui Terry Gillian avait entrepris un film sur Don Quichotte avec Jean Rochefort et Johnny Depp mais il n'a pas put le terminer lui expliquai-je.
- Pourquoi ?
- La poisse. L'angoisse de tout chef de projet. Et là, question poisse, il a plutôt été servi ! Tous les matins, une nouvelle tuile lui tombait dessus avec pour finir, cerise sur le gâteau, l'acteur vedette qui se blesse en chutant de cheval et tarde à s'en remettre. C'en était trop.
- Il est quand même connu pour ses dépassements de budget inconsidérés, me dit marc, cinéphile passionné, en matière de bémol. Le cas du tournage Fisher King est cité dans les écoles de cinéma comme l'exemple à ne pas suivre.
- Ben tu vois, non seulement il était marqué par la poisse mais en plus les producteurs étaient prêts à lui couper les robinets à la première occasion. Ce qui n'a pas manqué de se réaliser.
Le tournage de cet échec a été filmé. Je l'ai vu lorsqu'il est sorti. Depuis il est disponible en DVD.
C'est un bon exemple pour montrer comment un projet peut partir en sucette lorsque la poisse s'en mêle. On peut toujours se jeter à la tête les responsabilités et mettre en cause la déficience des analyses de risques, mais lorsque la poisse est là, elle est là.
Référence du DVD : Lost in la mancha de Keith Fulton et Louis Pepe.
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Alain Fernandez
Editions Eyrolles
6ème édition
240 pages 22 Euros
EAN : 978-2212569735
Disponible en librairie
Disponible au format ebook
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Crédit image : Gerd Altmann de Pixabay.com
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Et bien, dans ce film, je ne l'ai pas trouvé totalement à la hauteur Terry Gilliam. Il semble etre un peu guidé par les évenements et les acteurs. C'est sûr, il y a la poisse. Mais il est aussi renommé pour etre un éclateur de budget... Gilles
Ecrit par : Jijou
Bonjour, cher Alain, Un bon billet, comme d'habitude. Oui, le cas de ce film est incroyable. La faute à l'extérieur : tu fais tout, prévois tout (ou presque), modélises la forme de ton travail, envisages les caps, les risques, etc. Et, à l'arrivée... tout plante. La poisse. C'est un rappel qu'on ne peut maîtriser que ce qui nous est propre. C'est-à-dire notre style imprimé dans les choses et puis notre perception de la vie. Et c'est tout. Le reste dépend... des autres. Et de la vie. Pff, nécessité d'être stoïcien par ces temps de prétendue maîtrise de tout (on l'a bien vu, avec la Société générale ou EADS : c'est réducteur de penser que la technique fait tout). L'Occident et sa technique et son cartésianisme rassurants butent contre ce qui s'est passé pour ce film. Incroyable, je disais. Et pourtant complexe : le grand tissu dynamique s'est secoué. C'est tout : pas plus, pas moins. Les résultats dépendent de nous, dans la vie. Et de la vie elle-même : il faut le dire aux professionnels, beaucoup l'ont oublié. Bien à toi, cher Alain.
Ecrit par : Lionel
Merci Lionel pour ces compléments.
A+
Alain
Ecrit par : afz