Leader et management d'équipe, la fausse bonne idée
Pour bon nombre d'intervenants du monde du management, le leader, autoritaire par nature, serait la solution idéale pour manager une équipe ou une entreprise. Dans leur imaginaire, ils voient au travers du leadership un chef nécessairement hors du commun puisqu'il doit disposer d'un charisme quasi christique et donc nécessairement autoritaire. C'est faire bien peu cas de la personnalité, de la singularité et des ambitions de chacun des individus que l'on souhaite voir ainsi bien aligné dans l'attente confiante et prometteuse des directives de leur leader.
Synthèse :
Le monde de l'entreprise perpétue le modèle de l'homo oeconomicus. C'est-à-dire le dirigeant, le "chef" est
omniscient, il sait tout et
omnipotent, il peut tout. Et si en plus il est gentil et
bienveillant, et doté comme il se doit d'un charisme christique, ça y est! On le tient notre leader !
Bon après, ce n'est la pas meilleure voie, et c'est peu dire, pour accéder à l'intelligence collective. Celle-ci ne peut être opérationnelle qu'à la condition que la personnalité de chacun des membres de l'équipe soit bien valorisée. C'est l'unique moyen de construire des échanges productifs.
Et pourtant, le monde de l'entreprise maintient et nourrit sans relâche le culte du "leader". Si l'on procède ainsi, c'est évidemment pour assurer la continuité du principe hiérarchique ultra autoritaire et supposément parfaitement ordonné (une véritable chimère qui a la vie dure !). De toute façon, les salariés ont intérêt à être heureux, ils ont un "bon" chef...😉
En fait il ne s'agit pas de critiquer le rôle du manager mais bien de changer ses attributions. Dans une équipe où les compétences sont multiples, il ne peut pas mettre en exercice son autorité de compétence pour tous les domaines.
En revanche pour assurer les exigences d'un management efficace et en phase avec notre époque, il doit être compétent pour bien synchroniser les tâches et les acteurs, conduire les consensus de prise de décisions, gérer les conflits sans les étouffer, protéger l'équipe des perturbateurs extérieurs et enfin last but not least, entretenir de précieuses relations avec l'extérieur de l'équipe pour sortir la tête du guidon et voir un peu plus avant afin d'anticiper les éventuels obstacles et de prévenir es éventuels revirement.
On le voit ce n'est pas une sinécure, et le leadership et le charisme n'a rien à voir la dedans. Développons...
Le troisième mythe est celui de l'importance du leader
individuel. Les événements de l'histoire ne seraient que
le reflet d'intentions humaines. d'interactions entre les projets d'individus
identifiables.
Les développements majeurs seraient attribuables aux capacités et aux actions
exceptionnelles d'individus leaders.
James G. March pour la Revue Française de Gestion 9/10/1998.
Pourquoi persiste-t-on avec ce culte du leader ?
Tout simplement parce que cette fausse piste satisfait les directions encore fortement imprégnées de culture taylorienne, pour qui les salariés ne sont que des pions « productifs » et interchangeables qui nécessitent un, "chef" pratiquant nécessairement un
management autoritaire et indiscutable. Par euphémisme on le qualifiera de leader...
Un siècle de management sans évolution notoire, ça marque !
Hiérarchie et autoritarisme
Dans le monde de l’entreprise actuelle, on apprécie les groupes bien uniformisés qui, tel un bataillon le jour du passage en revue, ne laissent apparaître aucune personnalité détonante pour se tenir bien alignés derrière le chef de section.
Le management actuel n’a guère évolué si ce n’est à la marge et persiste avec les pratiques séculaires des origines de l’ère industrielle. Bien évidemment, le leader recourra à
l'autoritarisme pour assurer son management en se fondant sur la
"servitude volontaire" des salariés soumis à son charisme.
Aussi, en entreprise, seuls importent l’organisation hiérarchique et l’autoritarisme conséquent, indispensable pour assurer la stabilité de la structure et la transmission des ordres du haut en bas.
Les temps ont pourtant changé
Les produits et services sont aujourd’hui plus complexes et plus changeants à la fois. L'innovation rapide et permanente fait désormais toute la différence dans ce contexte hyper concurrentiel. C'est bien en réformant les règles organisationnelles pour faciliter
l'émergence de l'intelligence collective que l'on parviendra à jouer la carte de la différenciation avec la concurrence.
Pourtant, on persiste avec les méthodes de l'organisation de l'usine fordienne à s'efforcer de décomposer le travail en micro tâches définies à la virgule près. Cette obsession de standardisation vise évidemment à en conserver les bénéfices au sens de la direction (l'interchangeabilité des individus n'est pas le moindre).
Le culte du leadership, principal obstacle à l'intelligence collective
C'est bien l'intelligence collective qu'il s'agit de construire pour justement parvenir à collecter le fruit de la juxtaposition des cerveaux de tous les employés sans exception. L'idée n'est donc plus de fonctionner selon des
processus organisés comme une chaîne de fabrication, mais bien de dynamiser auprès de tout un chacun le désir d'apporter son point de vue à la construction du projet commun.
Le fondamental : que chacun se sente considéré
Il est alors essentiel que chacun ait la certitude que son point de vue sera pris en considération. C'est ainsi et seulement ainsi qu'il aura naturellement toute l'énergie nécessaire pour argumenter et
défendre son idée.
Le summum de l'intelligence collective sera atteint dès que tout participant acceptera sans regret que sa proposition soit amendée, voire de l'abandonner si une autre idée formulée par un collègue s'avère plus opportune pour construire un consensus fédérateur et prendre une
décision efficace au sens de
l'objectif poursuivi.
C'est cela qui doit remplacer le culte du leadership. Ce n'est rien d'autre que la démocratie participative telle qu'elle est expliquée et mise en pratique concrètement au sein même d'une PME dans l'ouvrage qui suit.
Le charisme : un pouvoir fragile
Dans le monde de l’entreprise, comme nous l’avons déjà précisé, on apprécie les groupes bien homogènes.
Aussi, cherche-t-on désespérément des « leaders » qui, dotés selon la légende d’un
charisme naturel, sauront tenir le groupe sans qu’aucune tête atypique au sens de l’entreprise ne se manifeste.
« Il n’est point de pire tyran que celui qui sait se faire aimer » Spinoza
Ce leader nécessairement asservi à l’entreprise (s’il joue sa carte personnelle, ça ne fonctionne pas) serait ainsi en mesure de maintenir la structure organisationnelle selon les souhaits de la direction et de faire exécuter les ordres de ladite direction.
Conserver intact son pouvoir de persuasion au fil du temps : une tâche titanesque...
Mais voilà, dans les faits, il n’est pas si facile de devenir un grand gourou, et de conserver son aura au fil du temps.
Si, selon
Max Weber, pour garder son charisme, il faut sans cesse déployer des actions extraordinaires ou des miracles, le leader est soumis quelque part à la même enseigne.
Il devra toujours montrer qu’il agit pour le bien de l’équipe, user ses talents d’éloquences et de stratège pour gagner « la compétition inter équipe » dans ce monde de « challenges permanents » que l’hyper libéralisme fait régner au sein même des entreprises.
Au bout d’un moment, la tâche sera insurmontable.
Les encharismés - néologisme de sociologue (Julie Pagis) bien choisi - commenceront alors à questionner son pouvoir de domination puis à le critiquer vertement comme le résume sans concession le juste slogan du moment :
« On lèche, on lâche, on lynche »
Dossier PDF: "Bâtir le collectif" à télécharger...
Construire le collectif en entreprise
Extrait PDF :Un collectif, c'est avant tout un ensemble d'individualités partageant des valeurs communes pour agir de manière concertée.
Pour autant, pour parvenir à constituer un collectif efficace, il ne suffira pas de simplement regrouper des individus qui, comme par magie, décideront d’agir de concert pour atteindre les objectifs fixés.
Un collectif, ça se construit ! Et cela, on le sait depuis déjà pas mal d’années...
À chacun sa stratégie
Bien avant d’en arriver au stade ultime de déchéance du leader, les plus malins des supposés dominés ont déjà
développé une stratégie pour décrocher une position au plus haut de la structure du groupe et au plus près du leader.
Ils utilisent son aura pour augmenter leur pouvoir et seront prêts à récupérer la place quand le vent tournera en leur faveur.
À l’opposé, les rebelles discrets entrent plutôt dans un état de résistance passive, exécutant le minimum de leurs tâches.
Ce n’est pas vraiment ce que l’on cherche. De tels comportements n’assurent en rien la constitution d’ un collectif responsable et engagé dans l’action.
Quand le leader joue sa carte perso
Ensuite, il est ultra important de bien comprendre les motivations profondes du leader qui bien souvent n'a nullement l'intention de rester les deux pieds dans le même sabot.
S'il déploie des efforts conséquents, s'il met en oeuvre tout son talent pour assurer la bonne marche de l'équipe dont il a la charge, il attendra nécessairement en retour une manière de
reconnaissance significative.
Il jouera peut-être aussi sa propre stratégie en s'efforçant de faire tomber les têtes qui lui bloquent la route vers le pouvoir.
Car, en entreprise comme ailleurs, tout est question de pouvoir. Mais là, c'est un autre sujet...
Les types de leader selon Kurt Lewin
Pour mémoire, rappelons les trois types ultra simplissimes de leader selon
Kurt Lewin.
Le célèbre psychologue avait étudié trois types de leadership désormais bien connus :
- le leader démocratique qui joue la carte de la participation tout en se contentant d'un rôle d'animateur en charge de dynamiser les interactions pour atteindre les objectifs fixés.
- Le leader autocrate qui donne des ordres impératifs, prend les décisions et n'admet aucun questionnement. Avec ce modèle les conflits potentiels restent à l'état larvés avec tout le ressentiment que cet état engendre, rien de bon pour la performance à plus long terme.
- Le leader laisser-faire distribue les informations, mais reste en retrait sur la manière de procéder.
En conclusion, toujours en restant dans le cadre de ce modèle, bien évidemment le leader démocratique apportera plus de satisfaction aux salariés que les deux autres modes ici présentés.
En pratique, le management est bien plus complexe que cela et tout dépend de la situation et de la personnalité des individus en interaction.
Quoi qu'il en soit, même avec le modèle démocratique ici présenté, nous sommes toujours dans un système autoritaire où les objectifs sont imposés et les salariés considérés comme des êtres manipulables.
le bon manager d'équipe n'est pas un leader
Un manager n'est pas un chef dont le pouvoir et l'autorité ne dépendent que de son titre. Il peut disposer d'une autorité de compétence (la seule acceptable) pour un domaine particulier mais pas pour tous les domaines de connaissances et de compétences comme en exigent les projets complexes mettant en oeuvre des technologies pointues et des environnements difficiles. S'il a un peu de bouteille et un bon esprit de synthèse, il peut aussi faire profiter son équipe de la
"fleur de sel" de son expérience.
Ce que l'on attend d'un manager d'équipe
En revanche, ce que l'on attend de lui, ce n'est pas qu'il fasse
respecter les procédures et le
suivi des objectifs avec une trique. Au contraire, son rôle est de :
- Protéger l'équipe afin que chacun puisse exprimer son talent.
- Organiser la coordination et la synchronisation des tâches là où l'on sait qu'un "simple" diagramme de Pert ne suffit pas.
- Conduire les indispensables consensus pour parvenir à des décisions collectives qui satisfont tous les membres de l'équipe sans en laisser sur la touche.
- Bien gérer les conflits sans les étouffer (ressentiment) mais bien en les guidant afin justement de laisser chacun exprimer ce qu'il pense. Le conflit n'est pas nécessairement une rupture du relationnel au sein de l'équipe. Bien géré c'est un instrument de productivité. (lire et relire Mary Parker Follett).
- Enfin, un peu plus détaché des détails de la réalisation, il peut sortir la tête du guidon pour entretenir ses contacts et prévenir ainsi les obstacles. Avec un riche réseau de relations profitables, il pourra aussi anticiper les risques de revirement, qu'elle qu'en soit la raison : les intéressés l'apprennent toujours trop tard.
- Bien évidemment, tout cela ne peut être possible qu'à la condition que le manager ne subisse pas une pression hors de propos de sa hiérarchie : changements de programme intempestifs, réunions d'avancement à répétition, multiplication des rapport d'activité, reporting chronophage.
- Pour fonctionner, il doit disposer de la confiance de son équipe.
- Mais au préalable sa hiérarchie doit aussi lui faire confiance même s'il ne ressemble en rien au "manager leader et charismatique" des contes de fées auxquels malheureusement croient encore bien trop de dirigeants...
La transformation démocratique de l'entreprise
La transformation démocratique de l'entreprise
Pour en finir avec le mépris, principe délétère du management d'hier et d'aujourd'hui
Alain Fernandez
Sujet : Expérience concrète d'instauration de la démocratie au sein d'une PME
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Extrait du livre
Dispo :
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Quatre Livres blancs en accès libre
L’auteur
Alain Fernandez est un spécialiste de l’aide à la décision et de la mesure de la performance dans le cadre des démarches d’amélioration continue. Il travaille depuis plusieurs années sur les principes de la coopération comme unique solution pour équilibrer les enjeux économiques, environnementaux et humains. Il est l’auteur de plusieurs livres de management qui anticipent la démarche ici présentée, chacun vendu à plusieurs milliers d’exemplaires.
Les ouvrages du même auteur
Voir tous les livres...
Piloter l'Entreprise Innovante...
La prise de décision en équipe ne s'improvise pas. Pour parvenir à ce mode de management délégataire, crucial pour les organisations actuelles, privées comme publiques, un indispensable travail de fond prélable est nécessaire. La méthode SOCRIDE centrée sur les questions incontournables de Confiance et de Reconnaissance est ici expliquée, illustrée et détaillée :
Les tableaux de bord du manager innovant
Une démarche en 7 étapes pour faciliter la prise de décision en équipe
Alain Fernandez
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